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Introduction aux méthodes semiclassiques en chaos quantique

Amaury MOUCHET

novembre 1996

Le chaos quantique désigne l'étude quantique des systèmes dont le comportement classique est chaotique. En simplifiant à l'extrême, on peut dire qu'il se dégage deux << philosophies >> complémentaires pour tâcher de comprendre la physique de tels systèmes. La première est analogue à celle des physiciens qui, il y a un siècle, ont introduit la notion d'ensemble statistique afin de décrire les propriétés thermodynamiques macroscopiques d'un système dont le comportement microscopique était incommensurablement complexe à cause du grand nombre de degrés de liberté impliqués. La démarche dont on connaît le succès, consiste à s'affranchir d'une information microscopique, de toute façon inessentielle, en substituant au manque d'information des lois de probabilité ne reflétant qu'un petit nombre de propriétés pertinentes. On gagne ainsi en universalité ce que l'on perd en complexité. La théorie des matrices aléatoires s'appuie sur la même idée : ce n'est pas le détail microscopique des hamiltoniens mis en jeu qui est important, mais plutôt leurs symétries globales. L'une des grandes réussites de cette théorie est d'avoir montré qu'en imposant un petit nombre de contraintes sur une distribution supposée aléatoire des éléments de matrice de ces hamiltoniens, on pouvait rendre compte de certaines propriétés universelles caractérisant la nature chaotique ou intégrable des systèmes complexes [Pour une introduction sur l'application de la théorie des matrices aléatoires au chaos quantique, on pourra se reporter au cours de [18] et, pour une approche plus historique, à [75]].

Le second angle d'attaque consiste à se placer plus explicitement à << l'interface >> entre théorie classique et quantique. Le régime, appelé semiclassique, dans lequel ces deux théories se recouvrent, correspond à des systèmes dont les actions mises en jeu sont beaucoup plus grandes que la constante de Planck  tex2html_wrap_inline1113 . Contrairement à ce qui se produit en comparant théories (classiques) relativiste et non relativiste où les comportements des observables quand la vitesse de la lumière  tex2html_wrap_inline1115 sont bien définis, la limite semiclassique  tex2html_wrap_inline1117 est hautement singulière et reflète la dichotomie qu'il y a entre nos visions classique et quantique [voir à ce sujet l'excellente introduction << Theories as limits of other theories >> du cours de [9]]. La motivation des théories semiclassiques est justement d'établir des ponts entre ces deux dernières et c'est dans ce cadre que se situe le travail présenté dans cette thèse. Auparavant, esquissons brièvement un tableau de la physique semiclassique. De prime abord la mécanique classique a évidemment fourni les premiers points d'ancrage aux pionniers fondateurs des théories quantiques. Si le principe de correspondance, énoncé dans sa version quasi-définitive par Bohr [37, §3.2,], apparaissait somme toute assez naturel puisque le monde macroscopique -- défini par un régime d'actions infiniment plus grandes que  tex2html_wrap_inline1113  -- restait décrit correctement par la théorie classique, les règles empiriques de quantification proposées essentiellement par Sommerfeld [37, §3.1,] n'étaient pas, quant à elles, sans soulever de nombreuses difficultés. Difficultés théoriques d'une part puisque, même en ce qui concernait les systèmes où elles permettaient de reproduire correctement les raies des atomes hydrogénoïdes, ces règles ne s'appuyaient pas sur une justification satisfaisante. Difficultés pratiques d'autre part, puisqu'une formulation générale faisait cruellement défaut. Plus précisément, dans la théorie dite de Bohr-Sommerfeld décrivant les états liés d'un système à un degré de liberté, on maintenait les équations d'évolution classiques pour les variables canoniques (p,q) mais on ne conservait parmi leurs solutions que celles telles que

  equation120

où T est la période du mouvement classique. La généralisation de cette règle aux systèmes séparables multidimensionnels proposée par Sommerfeld, Wilson, Schwarzschild et Epstein [37, §3.1,] en imposant la condition (1) pour chaque degré de liberté restait trop restrictive et de surcroît introduisait un système privilégié de coordonnées dans l'espace des phases. [31] [[56, pour une mise en relief moderne de ce travail,]voir] a montré que l'on pouvait lever cette dernière difficulté et généraliser les règles précédentes en imposant des conditions de quantification portant des invariants intégraux :

  equation134

où D est le nombre de degrés de liberté. Ces conditions s'appliquent non seulement aux systèmes séparables mais en fait dès que l'évolution dans l'espace des phases reste bornée et intégrable. Dans ce cas, en vertu du théorème de Liouville [5, §49,], l'espace des phases est feuilleté en tores labellés par les D constantes du mouvement  tex2html_wrap_inline1125 . Pour chaque valeur de C, on peut choisir une famille quelconque tex2html_wrap_inline1129 de D lacets tracés sur chaque tore associé à C et homotopiquement distincts. Les valeurs de C quantiquement observées sont alors telles que les conditions (2) soient toutes réalisées et ne sont donc sélectionnées que par valeurs discrètes. Le grand mérite de cette formulation était que non seulement elle élargissait la classe des systèmes quantifiables mais qu'en outre elle était explicitée dans un langage géométrique, c'est à dire indépendant du système de coordonnées choisi dans l'espace des phases. Cependant, et Einstein lui même le soulignait, une telle formulation perdait son sens pour quantifier des systèmes non intégrables et notamment les systèmes ergodiques qui, par ailleurs, jouaient un rôle crucial dans les fondements de la physique statistique microcanonique.

Si, on le voit, les premiers balbutiements de la mécanique quantique consistaient essentiellement à ne retenir parmi les solutions classiques qu'un nombre discret d'entre elles au moyen de conditions ad hoc dépendant de  tex2html_wrap_inline1113 , les approches ultérieures -- dues d'une part à Heisenberg, Born et Jordan [37, §5.1,] [70, part. II,] qui les ont formulées dans un langage matriciel et, d'autre part, à De Broglie et Schrödinger [37, §5.3,] où le statut ondulatoire de la théorie fut définitivement établi -- s'écartaient drastiquement des concepts classiques tant par la nature des observables que par leur interprétation. La seule référence à la théorie classique dans la formulation de [28], unifiant mécanique matricielle et ondulatoire, était une formulation plus quantitative du principe de correspondance à savoir un ensemble de règles plus ou moins ambiguës permettant de construire les observables quantiques à partir de leurs analogues classiques. Le statut de la physique classique pour décrire le monde microscopique a basculé d'autant plus vite vers un rôle apparemment secondaire qu'est apparue très tôt la nécessité d'introduire des observables, les spins, n'ayant aucun analogue classique. Malgré tout, un bon nombre d'approches, dont les méthodes introduites par Born et Oppenheimer en 1927 [49, vol.2, chap XVIII, §16,] représentent la meilleure illustration, continuaient à méler de manière quelque peu hybride observables classiques et observables quantiques.

Ces bouleversements théoriques ont donné une nouvelle ampleur à la question de savoir comment la démarche classique pouvait être justifiée aux échelles macroscopiques à partir de la théorie quantique. En effet, il ne s'agissait plus alors d'affirmer simplement que l'on retrouvait la continuité classique dès lors que les écarts entre valeurs autorisées des invariants intégraux devenaient négligeables en même temps que  tex2html_wrap_inline1113 , mais il fallait désormais donner un sens à la limite semiclassique des solutions de l'équation de Schrödinger. La difficulté essentielle, qui est à l'origine de l'ensemble des théories semiclassiques, est que cette équation ne se prète pas à une approche perturbative quand  tex2html_wrap_inline1117 . Cela peut s'interpréter physiquement de la façon suivante : même si l'on peut, en vertu du comportement des inégalités d'Heisenberg quand  tex2html_wrap_inline1117 , donner un sens à un << état initial classique >> en fixant simultanément la position et l'impulsion du système et s'assurer grâce au théorème d'Ehrenfest [24, chap. III §D.1.d,]Voir par exemple que les valeurs moyennes des observables suivent les lois du mouvement classique, l'étalement du paquet d'onde au cours du temps détruit en général l'état classique lorsque l'on regarde l'évolution du système pendant un temps suffisamment long gif. Pourvu que l'on maîtrise bien l'ordre des limites  tex2html_wrap_inline1117 et  tex2html_wrap_inline1145 , on est cependant capable de construire des états quantiques dont la dynamique revêt indiscutablement certains aspects classiques. Depuis l'introduction des premiers états cohérents par Schrödinger en 1927, un large travail s'est étendu autour des représentations des états dans l'espace des phases ainsi que de leur évolution temporelle [57, 36]. Ce domaine de recherche reste encore en pleine activité et a permis de développer des outils efficaces permettant de mieux comprendre une vaste gamme de phénomènes notamment en optique quantique. En outre, la découverte des cicatrices [36, §7.3,]voir par exemple, c'est à dire des états stationnaires quantiques localisés au niveau des orbites périodiques classiques, a renforcé encore plus la conviction que la mécanique classique restait un guide incontournable.

Une approche complémentaire due à [39], [44], [20] et [76] fut de construire directement des solutions approchées de l'équation de Schrödinger en utilisant des techniques eikonales développées hors du contexte quantique par Debye en particulier [37, §5.3,]. L'idée sous-jacente de la théorie (J)WKB est d'obtenir la mécanique classique comme approximation de la mécanique quantique quand la longueur d'onde de De Broglie est petite devant les échelles classiques de la même façon que l'on retrouve l'optique géométrique à partir de l'optique ondulatoire quand la longueur d'onde de la lumière est infime. En écrivant une solution de l'équation Schrödinger sous la forme

  equation175

où A et S sont deux fonctions lisses de leurs arguments, on peut en effet montrer que, sous des hypothèses très larges et lorsque  tex2html_wrap_inline1117 , S vérifie l'équation de Hamilton-Jacobi du problème classique associé et représente donc en première approximation une action classique. Plus précisément, tex2html_wrap_inline1157  décrit un fluide de particules classiques indépendantes et les densités de particules et de courant de ce fluide en chaque point de l'espace sont à tout instant respectivement égales à la densité de probabilité et de courant de probabilité de la particule quantique en ce point [49, chap. VI,]. En outre, [21] et, bien plus tard mais sur des bases plus solides [40], ont montré par ces techniques que les conditions aux limites imposées par un potentiel intégrable et confinant sur les fonctions d'onde (3) conduisaient aux contraintes d'Einstein (2) qui deviennent donc des équations non plus exactes mais semiclassiques (appelées équations EBK). Le bon accord entre (2) et l'expérience dans bon nombre de situations justifient donc l'approximation WKB. Un autre résultat semiclassique, qui suit les travaux précédents, est dû à [71] qui donne une approximation non pas des fonctions d'onde mais des propagateurs de l'équation de Schrödinger. Si U(t) dénote l'opérateur d'évolution du système au temps t, son élément de matrice entre le bra  tex2html_wrap_inline1163 et le ket  tex2html_wrap_inline1165 est approximativement donné par

  equation191

quand  tex2html_wrap_inline1117 . La somme porte sur toutes les trajectoires classiques  tex2html_wrap_inline1173 reliant q' à q en un temps t et  tex2html_wrap_inline1181 représente l'action classique le long de  tex2html_wrap_inline1173 considérée comme fonction de ses extrémités. tex2html_wrap_inline1185 est un entier dépendant uniquement du nombre et de la dimension des caustiques du flot hamiltonien classique rencontrées par  tex2html_wrap_inline1173  gif.

On arrive ainsi au c tex2html_wrap1309 ur de la problématique moderne des théories semiclassiques. La limite de quantités construites à partir des états quantiques est singulière quand  tex2html_wrap_inline1117 et cette singularité se traduit par des termes oscillants à une fréquence proportionnelle à  tex2html_wrap_inline1201 comme on le voit sur (3) et (4). On est conduit alors à s'interroger sur la possibilité de généraliser des expressions comme celle obtenue par Van Vleck qui, pour  tex2html_wrap_inline1113 fixé mais petit devant les actions classiques, permet de calculer dans une excellente approximation une quantité quantique à partir de  tex2html_wrap_inline1113 et d'ingrédients uniquement classiques. Il reste étonnant qu'il ait fallu attendre quarante ans pour que les travaux précurseurs de Jeffreys, Kramers, Brillouin, Wentzel et Van Vleck se trouvent considérablement enrichis tant par une meilleure compréhension de la dynamique quantique et classique que par un élargissement de leurs domaines d'applications.

Les travaux de Maslov [48] ont donné à l'approximation semiclassique des fondements mathématiques plus rigoureux notamment en contrôlant mieux les erreurs induites par des substituts de la forme (3). Plus précisément, Maslov a montré que les amplitudes des termes rapidement oscillant pouvaient chacune s'écrire comme un développement asymptotique en puissances de  tex2html_wrap_inline1113 dont le terme dominant conduit à l'interprétation semiclassique WKB rappelée ci-dessus. En outre, la formulation de Feynman de la mécanique quantique [32], inspirée directement du principe de Huygens-Fresnel [5, §46,]la discussion de ce principe dans le contexte de la mécanique classique peut-être trouvée dans à la suite d'une remarque de Dirac, permet de mieux comprendre d'un point de vue physique pourquoi la dynamique classique structure au moins partiellement la dynamique quantique. En effet, on peut souvent écrire une quantité quantique  tex2html_wrap_inline1209 comme résultat d'une interférence entre chemins de l'espace des phases appartenant à un ensemble  tex2html_wrap_inline1211 mais non contraints de vérifier un principe de moindre action. Par exemple,

  equation218

où  tex2html_wrap_inline1215 est une << mesure >> de Feynman définie sur l'ensemble  tex2html_wrap_inline1211 gif. F et W sont deux fonctionnelles des chemins [p(t),q(t)] et F dépendant de façon lisse de  tex2html_wrap_inline1113 . Les contributions principales à l'intégrale (5) proviennent du bord de  tex2html_wrap_inline1211 mais aussi des chemins de  tex2html_wrap_inline1211 où la phase W est stationnaire, c'est à dire que l'on sélectionne ainsi dans  tex2html_wrap_inline1211 les solutions  tex2html_wrap_inline1237 classiques qui rendent W extrémal. La mise en tex2html_wrap1309 uvre explicite de l'approximation de la phase stationnaire conduit donc à un développement du type

  equation230

où  tex2html_wrap_inline1245 représente la contributions des termes de bord. tex2html_wrap_inline1247  et les amplitudes A sont des fonctions de  tex2html_wrap_inline1113 au moins continues au voisinage de 0. En ne conservant que les termes d'ordre dominant en  tex2html_wrap_inline1113 , on retrouve alors le développement (4) puisque dans ce cas les termes de bords sont absents et que  tex2html_wrap_inline1257 où H est le hamiltonien classique associé à la dynamique quantique définie par U. Les développements asymptotiques de Maslov s'obtiennent en poussant formellement l'approximation de la phase stationnaire à tous les ordres en  tex2html_wrap_inline1113 .

La deuxième quantité quantique à avoir été calculée semiclassiquement est la fonction N(E) qui compte le nombre de niveaux d'énergie inférieure à E pour un système lié. La densité de niveaux d'énergie s'obtient par  tex2html_wrap_inline1269 qui s'exprime en fonction du spectre  tex2html_wrap_inline1271 par le peigne de Dirac :

equation242

De façon plus générale, la détermination du spectre d'un opérateur différentiel est un problème central dans maints domaines de la physique [7]voir l'introduction de et son comportement asymptotique pour de grands vecteurs d'onde fournit déjà bon nombre d'indications précieuses. Dans le cas de N(E) et de  tex2html_wrap_inline1275 on peut montrer que les termes de bords sont non seulement présents mais qu'en outre ils dominent les contributions oscillantes à la limite semiclassique. À l'ordre le plus élevé, tex2html_wrap_inline1277 s'obtient en divisant le volume dans l'espace des phases de la couche d'énergie E par le volume d'occupation minimal d'un état individuel autorisé par les inégalités d'Heisenberg. Si D est le nombre de degrés de liberté et H le hamiltonien classique, alors 2

equation250

Le premier résultat de ce genre a été obtenu par Weyl pour le spectre du Laplacien dans un domaine compact. La dynamique classique associée correspond alors à une particule libre rebondissant spéculairement sur les parois du domaine, autrement dit à la dynamique à l'intérieur d'un billard. Le problème de Weyl a été abondamment étudié et élargi [7]. Notamment on a cherché à obtenir et à interpréter les ordres suivants du développement asymptotique semiclassique de  tex2html_wrap_inline1277 qui dans le cas du billard bidimensionnel dépendent essentiellement de sa forme (longueur du périmètre, genre, etc.). La généralisation de ces résultats donne lieu encore à de nombreuses questions ouvertes [30]Voir par exemple.

Si l'on veut non seulement rendre compte du comportement moyen de Q mais également des fluctuations oscillantes  tex2html_wrap_inline1287 , on a vu qu'une connaissance de la structure des trajectoires classiques  tex2html_wrap_inline1237 s'imposait. Or, le comportement de la dynamique classique d'un système dépend avant tout du nombre de constantes du mouvement impliquées : si dans le cas intégrable les trajectoires dans l'espace des phases s'organisent en famille réparties sur les tores de Liouville décrits plus haut, on sait depuis [58] que génériquement ces structures régulières sont absentes de l'espace des phases. On comprend alors pourquoi les sommes intervenant dans l'expression semiclassique de  tex2html_wrap_inline1291 dépendent de manière cruciale du caractère intégrable ou chaotique de la dynamique classique associée au problème quantique initial. Le premier calcul semiclassique de  tex2html_wrap_inline1291 a été obtenu par [35] qui a donné une expression explicite de  tex2html_wrap_inline1295 en termes des seules structures invariantes présentes dans l'espace des phases lorsque la dynamique est complètement chaotique : les orbites périodiques classiques. Le développement analogue lorsque le système est intégrable est dû à BERRY et TABOR [12, 13] qui ont montré que les orbites classiques  tex2html_wrap_inline1237 qui interviennent dans (6) se regroupent sur les tores sélectionnés précisément par les conditions d'Einstein (2gif. Un grand nombre de travaux, théoriques, numériques et expérimentaux [34, 22]voir par exemple ont confirmé la pertinence de ces approches semiclassiques qui apportent à la théorie un support << intuitif >> classique permettant d'éclairer des notions souvent difficiles à saisir quantiquement. De nombreux domaines sont directement concernés, en particulier la physique atomique à petits degrés de liberté [atome d'hydrogène en champ magnétique [27], atome d'hélium [77]], la physique nucléaire [67]par exemple ainsi que celle des agrégats [19].

La reconstruction de quantités quantiques à partir d'ingrédients classiques s'accompagne de difficultés considérables qui ne sont à ce jour que partiellement maîtrisées et ce, d'autant plus que les multiples développements de la théorie des systèmes dynamiques [8, 46, 47, 50] ont révélé la complexité des solutions des équations classiques d'où a d'ailleurs émergé la notion moderne de chaos. Tout d'abord les travaux initiés par [58], [43], [3] et [52] ont montré que génériquement les trajectoires classiques, même dans les cas proches de l'intégrabilité, s'organisent en structures mélant de façon fractale la dynamique régulière et la dynamique chaotique. Ce régime qualifié de mixte rend extrêmement délicate l'écriture explicite de (6) et a fortiori son calcul numérique. En effet, la présence de nombreuses bifurcations dès qu'une perturbation est introduite modifie drastiquement le nombre et la nature des trajectoires  tex2html_wrap_inline1237 sur lesquelles porte la somme. Or, par opposition au comportement extrêmement singulier de la dynamique classique, on s'attend à ce que le caractère ondulatoire quantique lisse les détails aux échelles plus petites que la longueur d'onde de De Broglie. Il est donc clair qu'il faille raffiner l'approche originelle de Gutzwiller si l'on veut espérer décrire semiclassiquement la régularité de la transition chaotique/intégrable au niveau quantique. C'est dans ce riche contexte que s'inscrivent de multiples travaux comme ceux de [54], de [68] ainsi que le chapitre II du présent mémoire.

Les situations où la dynamique est complètement chaotique [billards de Sinai, de Bunimovich [78, 41, ainsi que leurs références, dans le contexte classique et semiclassique respectivement.,]voir, dynamique sur une surface à courbure négative constante [15], etc.] permettent d'éviter les écueils provenant des régions correspondant à un régime mixte. En effet, dans ce cas les orbites périodiques sont isolées et stables par perturbation, les amplitudes associées à chacune d'entre elles dans la formule de Gutzwiller ne divergent donc pas. En revanche, le nombre de termes oscillants reste en général prohibitif car la détermination des longues trajectoires est souvent extrêmement difficile. Un moyen de surmonter ces obstacles est de travailler avec des systèmes dont les équations d'évolution classique sont bien maîtrisées (billards, systèmes pulsés, dynamique symbolique, fonction  tex2html_wrap_inline1301 de Riemann etc.). La présence d'un codage, même approximatif, permet parfois de dresser un inventaire des contributions oscillantes suffisant pour obtenir des résultats satisfaisants. Un grand pas dans la compréhension de ces problèmes a été fait par [73] et [11] qui ont montré que dans le cas complètement chaotique on pouvait resommer l'ensemble des termes correspondant à de longues périodes car ces derniers contiennent une information redondante vis a vis de celle déjà présente dans les autres termes y compris les termes de Weyl [10]. Dans le cas intégrable, on peut formuler des conditions exactes de quantification de type WKB en mettant à profit là aussi des propriétés de résurgence [72, 74]. De façon générale, à cause des propriétés analytiques des fonctions mises en jeu, il faut s'attendre à ce qu'un sous-ensemble des trajectoires classiques code, de manière le plus souvent très subtile et mal comprise, une partie de l'information totale. Comme l'ont d'ailleurs montré BALIAN et BLOCH [6, §3,§4 et §12,], l'inclusion de solutions complexes aux équations classiques dans les sommes (6) permet de retrouver semiclassiquement sinon toute, une bonne partie de l'information quantique pour des valeurs arbitraires de  tex2html_wrap_inline1113 .

Cette information peut s'exprimer sous la forme de nombreuses propriétés a priori très profondément ancrées au niveau quantique. C'est le cas notamment de l'effet tunnel qui par définition reste inaccessible à une approche purement classique. Pour retrouver les effets qui bien qu'exponentiellement petits jouent souvent un rôle déterminant, on peut comprendre pourquoi les formules habituelles de Gutzwiller sont insuffisantes : Elles ne contiennent pas de termes décroissant exponentiellement avec  tex2html_wrap_inline1113 de façon explicite. En revanche l'inclusion de trajectoires complexes permet de décrire correctement l'effet tunnel et reste souvent le seul moyen de le calculer effectivement. Si la formulation WKB permettait déjà de retrouver semiclassiquement l'effet tunnel pour un degré de liberté [45, §50,], sa généralisation à de plus grandes dimensions reste délicate surtout en présence de chaos [17, 69, 25, 26, et leurs références.,]Pour des travaux récents dans ce domaine on pourra consulter.

D'autres effets quantiques sans analogue classique font l'objet de nombreuses recherches semiclassiques. Les phénomènes ondulatoires liés à la diffraction [55, 59]On pourra par exemple consulter, entrent dans cette catégorie ainsi que le déphasage des fonctions d'onde lors d'une variation adiabatique des paramètres classiques pilotant un système, par exemple constitué des électrons externes d'une molécule dans le cadre de l'approximation de Born-Oppenheimer. Ce déphasage d'abord étudié quantiquement et systématisé par Berry n'est compris classiquement que dans le cas de systèmes intégrables. Peu de travaux [61, 38] encore concernent l'étude de la phase de Berry pour des systèmes génériquement chaotiques. Cependant dans de nombreux cas, une approximation semiclassique apparaît comme le seul moyen possible de calculer explicitement ces phases.

Les succès des approches semiclassiques a suscité l'espoir d'élargir plus encore leurs domaines d'application, par exemple en sortant du cadre des systèmes liés et en essayant de décrire des propriétés attachées aux phénomènes de diffusion [66, 29]. Les motivations ont des origines très diverses puisque l'on touche alors aussi bien aux mécanismes réactionnels entre molécules [51] qu'aux problèmes de conduction dans les solides. Dans ce dernier cas, la nature du désordre joue un rôle crucial et notamment en ce qui concerne des phénomènes mal expliqués comme la localisation [33, et ses références,]. Comme l'effet tunnel cette dernière semble en profond désaccord avec la prédiction classique. La confrontation entre les méthodes actuelles permettant de comprendre et de prédire la localisation [22, Part one: Classical chaos and quantum localisation,] et le point de vue semiclassique [63, 64] apparaît donc comme très prometteur. En outre les progrès de la physique des matériaux semiconducteurs ont permis la réalisation expérimentale de potentiels à bords durs à l'échelle mésoscopique rendant ainsi possible la construction de billards électroniques bidimensionnels dont les applications technologiques sont prometteuses. De façon générale, les méthodes semiclassiques s'appliquent naturellement aux systèmes mésoscopiques puisque l'on entend par là des objets dont l'échelle est, d'une part, suffisamment petite (de l'ordre du micron) pour que les effets ondulatoires gouvernent leur comportement mais, d'autre part, suffisamment grande devant l'échelle atomique. [Le cours des Houches [1] fournit un éventail très complet de la physique mésoscopique].

Depuis peu, s'est ouvert un autre domaine de prédilection pour les démarches semiclassiques. En effet le développement de la physique atomique à très basse température permet de travailler avec des systèmes cohérents assez grands (de l'ordre de  tex2html_wrap_inline1307 atomes pour fixer les idées) dont on contrôle raisonnablement la dynamique. Les atomes froids fournissent alors un moyen particulièrement adapté pour mieux comprendre et tester les idées semiclassiques [62, et ses références,].

Il reste, on le constate, beaucoup à faire concernant l'application des méthodes semiclassiques en chaos quantique. L'étude des connexions les liant à d'autres approches tout aussi fructueuses comme la théorie des matrices aléatoire mérite d'être encore plus approfondie [16], en particulier à la suite des travaux récents [2, et ses références,].

Le passage à un nombre de degrés de liberté supérieur à celui considéré habituellement revêt également un intérêt particulier puisque l'on connaît mal l'analogue quantique de la réduction de Poincaré [14, 60]. En outre, il serait intéressant entre-autre, d'étudier les implications quantiques, si elles existent, de la diffusion d'[4]. On ignore aussi dans quelle mesure les empreintes que peut laisser le chaos classique en théorie quantique des champs pourraient être pertinentes.




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Amaury MOUCHET
Wed Feb 18 16:39:02 MET 1998